Balade dans le parc [terminé]

I feel everything you feel. And it hurts.

Une fois les cours terminés, je n'ai qu'une idée en tête : sortir. Rester enfermée toute la journée, cela m'épuise ! Je vois quelques élèves se diriger vers une autre salle de classe, d'autres se rendre à la bibliothèque, d'autres encore aller chercher un en-cas dans la cuisine... Mais moi, je me faufile vers le parc. Trop de personnes partout, cela me donne mal à la tête ! Dehors au moins, on est moins entassé les uns sur les autres...

Je regarde autour de moi, mais aucun banc n'est libre. Je ne pensais pas trouver autant de monde ! Peut-être que le beau temps les a attirés. Cela ne fait rien, je me mettrai dans l'herbe. Je me dirige vers un arbre plus isolé que les autres, et m'assois contre son tronc. J'observe alors le paysage, et je n'avais pas remarqué le garçon qui s'y trouvait également, là, juste derrière...

I feel everything you feel. And it hurts.

Dès que je pense être tranquille et seule, voilà que quelqu'un surgit comme par magie derrière cet arbre. Enfin, je ne peux pas lui en vouloir. Je le regarde tandis qu'il se présente et me tend la main. Sa bonne humeur est contagieuse - surtout pour moi... Je ne peux m'empêcher de lui rendre son sourire en lui répondant :
« Enchanté. Moi, je m'appelle Charity Fitzgerald. »

Il me semble avoir déjà vu ce garçon quelque part - en dehors de l'Institut, bien sûr. Mais je ne me souviens plus où...

I feel everything you feel. And it hurts.

Cela faisait un effet assez étrange. Nous étions là, tous les deux, alors que nous nous connaissions à peine - si ce n'est pas du tout -, à discuter tels deux anciens amis qui se retrouvaient après une longue séparation. Il paraissait tellement naturel, et quasiment instinctivement, je l'étais aussi. Une ambiance agréable régnait en cet instant.

Il me montra alors ce qu'il savait faire, et semblait en être fier. D'un seul coup, il disparut et réapparut tout aussitôt. Pouvait-il se téléporter ? J'en étais encore surprise quand il revint et me sortit de mon doute, en me confiant sa capacité. Super-vitesse. Il pouvait se déplacer plus rapidement que quiconque, traverser des kilomètres en quelques secondes seulement. Je dois l'avouer, c'était plutôt impressionnant.

« Je te préviens, mon pouvoir n'est pas aussi impressionnant à observer que le tien. D'ailleurs, il me semble que ce n'est pas observable du tout, je veux dire, avec les yeux. »

J'esquissai un sourire.

« Je peux ressentir les émotions des autres. »

Je baissai légèrement la tête, pris une feuille et la déchirai. Dès que je me rendis compte de mon geste, je le stoppai immédiatement. Il trahissait une certaine nervosité que je n'appréciais pas beaucoup. Je reportai mon attention sur Peter.

« Mais je ne le contrôle pas encore bien... »

I feel everything you feel. And it hurts.

Lorsqu'il me révéla son véritable nom, grande fut ma surprise. J'ai déjà entendu ce nom. Qui ne le connaît pas ?! Lehnsherr... C'est sans nul doute celui de l'homme qui se fait appeler Magneto. J'en entendais souvent parler à l'Institut. Certains disaient qu'il n'était pas totalement méchant, mais d'autres l'avaient en horreur. Qui croire dans ce cas ? D'après ce que je sais de lui, il ne vaudrait mieux pas se retrouver confronter à lui. Il paraît qu'il est redoutable.

Quel lien pouvait-il bien entretenir avec cet homme ? Toutefois, je ne lui posais pas la question, lui répondant plutôt à son autre interrogation.

« J'ai 17 ans, mais je ne suis à l'Institut que depuis peu de temps. Un an, il me semble. Et toi ? Quel âge as-tu ? »

I feel everything you feel. And it hurts.

Je fus étonnée qu'il ait deviné le fond de mes pensées. Était-ce si visible que cela ?! Décidément, je ne suis vraiment pas douée pour dissimuler mes émotions. Je me surprends même à faire une légère mine déçue. Je me reprends, en l'écoutant attentivement. Selon lui, Magneto n'est pas "si terrible que ça", et... C'est son père ?! Je ne savais pas qu'il avait un fils. Enfin, passons... Je lui souris et lui dis d'une voix qui se veut réconfortante :
« Ne t'inquiète pas, à vrai dire, je n'écoute pas toujours ce que les autres disent. La plupart du temps, c'est du grand n'importe quoi... »

Après un bref instant d'hésitation, je rajoute :
« Je ne pense pas forcément du mal de ton père, tu sais ? Je ne le connais que vaguement, alors je ne peux pas vraiment le juger correctement. »

C'est vraiment quelque chose d'insupportable, ça ! J'ai remarqué que la plupart des gens critique sans vraiment connaître la personne ou la situation, mais seulement en fonction de l'avis commun. Quand vont-ils comprendre que ce n'est pas ainsi que ça fonctionne...

Ah non, me voilà à nouveau en train de chiffonner ces pauvres feuilles. Je soupire légèrement et relève les yeux vers Peter, qui me dit avoir le même âge que moi. Décidément, ce garçon a vraiment le don pour retrouver le moral en un rien de temps.

« Je vois, alors on a le même âge ! »

Je lui tends la main en lui offrant un grand sourire. Je ne sais quoi dire, mais je me force à bredouiller ces quelques paroles :
« J'ai l'impression que l'on va bien s'entendre. En tout cas, j'étais vraiment contente de faire ta connaissance. »

Exaspérant... C'est le genre de phrases complètement anodines, revues mille fois dans des films bidons. Mais bon, c'est la seule chose qui m'est venue en tête à ce moment. Je n'ai décidément vraiment rien de mieux à dire...

I feel everything you feel. And it hurts.

Je m'adossai contre le tronc d'arbre et regardai devant moi. Quelques élèves se promenaient, des livres à la main, et s'interrogeaient entre eux. Cela sentait l'évaluation, sans nul doute. Je ressentais leur stress d'ici, et j'imaginais bien leur conversation - bien que je n'ai pas une audition très fine. Cela me faisait mal à la tête. Je remarquai ensuite une bande de filles qui parlaient fort et rigolaient à s'en briser les côtes. Le genre de personnes que j'évite, à vrai dire. Elles ne sont jamais bien intéressantes, et se mettent toujours sur le devant de la scène de manière prétentieuse.

Cela fait une année que je suis à l'Institut, et je ne me suis toujours pas vraiment fait d'amis. Je suis avec quelques personnes de temps en temps, mais ce n'est jamais durable. Toutefois, mieux vaut être seule que mal accompagnée, c'est ce que me disait toujours Nora. Je suis bien d'accord avec elle. Et puis, la solitude m'évite de ressentir tout ce surplus d'émotions qui me donne le tournis. Vivement que je puisse réellement contrôler ce pouvoir ! Car cela devient épuisant !

Je risquai un regard vers ma montre, m'assurant que je ne manque pas le prochain cours. Non c'est bon, ce dernier est assez éloigné pour que je puisse encore profiter de l'air frais. Ce n'est pas le moment de faire l'école buissonnière !

Mon attention se porta soudainement sur une jeune fille, seule, adossée contre un chêne et recroquevillée sur elle-même. Elle me faisait un peu de peine ainsi, mais je ne devais pas m'en mêler. Peut-être était-elle simplement fatiguée. Toutefois, ma curiosité l'emporta sur ma raison. Il ne me fallut pas beaucoup d'effort pour avoir envie de m'enfoncer mille lieux sous terre. Sentiment non très agréable... Je secouai vigoureusement la tête et la baissai immédiatement en me rendant compte que je la fixai.

I feel everything you feel. And it hurts.

Malheureusement, même en baissant la tête, je ressentais sa peine et sa solitude. L'envie de me recroqueviller sur moi-même me prit soudain. Il y a parfois des moments où je hais mon pouvoir. Des moments comme celui-ci. Les émotions sont si intenses que même en me focalisant sur autre chose, ils reviennent vers moi automatiquement.

Peter, comme s'il lisait dans mes pensées - ce n'était pas la première fois... Peut-être était-ce un autre de ses dons ? -, se leva et se dirigea vers la jeune fille pour lui proposer de venir avec nous. Il a toujours l'air enjoué, en n'importe quelles circonstances. C'est agréable et presque contagieux.

Elle sembla hésiter, pour finalement accepter son invitation et nous rejoindre. Elle était gênée, comme si elle craignait de déclencher une énorme catastrophe - ce qui est souvent le comportement adopté ici, j'ai remarqué, avec les pouvoirs de chacun, c'est sûr que cela peut parfois paraître complexe... Je lui accordai un regard bienveillant accompagné d'un sourire qui se voulait rassurant.

Un silence s'installa entre nous. Un silence qui, compte tenu de la situation, apparaissait gênant. Personne ne savait quoi dire. Il me sembla alors que la première chose à faire était de se présenter - encore une fois, réaction banale, mais bon... Je pris une profonde inspiration avant de lui dire tout en lui tendant la main :
« Je m'appelle Charity Fitzgerald, ravie de faire ta connaissance. »

I feel everything you feel. And it hurts.

Elle me regardait en me souriant timidement, tout en se présentant. Elle observait ma main, et je compris qu'elle ne tenait pas à la serrer. Je la ramenai alors près de moi, et lui fis à la place un sourire amical.

« Enchantée, Charlie ! »

Je sentais encore sa confusion et sa gêne de se trouver ici, avec nous. Elle avait certainement l'impression de nous déranger - ce qui n'était bien entendu pas le cas ! J'aurais bien voulu engager une conversation, mais aucun sujet intéressant ne me venait à l'esprit. Les cours ? On en entend déjà assez parler comme ça. Les centres d'intérêt alors ? Trop banal. J'étais également curieuse de connaître son pouvoir, mais n'osai pas lui demander, au risque de la mettre d'autant plus mal à l'aise.

Un nouveau silence s'installa, que je brisai au bout de quelques instants.

« Alors, tu... Enfin, cela fait longtemps que tu es à l'Institut ? »

Et voilà... Bonjour l'originalité !

I feel everything you feel. And it hurts.

Cela fait à peine deux jours qu'elle est arrivée à l'Institut, d'où certainement son hésitation et le fait qu'elle soit perdue. Je la comprends. Je me souviens du premier jour que j'ai passé ici. J'étais totalement paniquée. Je ne connaissais plus personne, les lieux m'étaient totalement inconnus - je me perdais presque dans ces labyrinthes de couloirs et ces multitudes de pièces. Mais j'ai rapidement remarqué que l'ambiance était plutôt sympathique. Alors cela me convenait.

Sa nervosité commençait à m'envahir également, et ce fut au prix d'un grand effort que je lui répondis d'un ton qui se voulait le plus naturel possible.

« Oh, tu es toute nouvelle donc. Ne t'inquiète pas, cette école est différente des autres mais on s'y habitue rapidement, tu verras. Sinon, cela fait une année désormais que je suis arrivée ici. Le temps passe vite ! »

J'étouffai un léger rictus, en repensant aux derniers mois.

« Et donc, qu'en penses-tu pour le moment ? », ajoutai-je après quelques instants.

I feel everything you feel. And it hurts.

Visiblement, cette question la mettait dans l'embarras. La situation ne semblait guère lui plaire, et je n'ai fait que retourner le couteau dans la plaie. Parfois, je m'en veux d'être aussi curieuse... Je me force à lui sourire quand elle me répond.

« Oui je comprends... Pour tout t'avouer, je ne suis pas non plus le genre de filles qui fréquente des tas de personnes. Je n'arrive pas encore à bien maîtriser mon pouvoir, alors ça me fait toujours défaut. »

Je voulais la rassurer, lui dire que tout irait bien, que le début était toujours une étape difficile... Mais rien de tout cela ne sortit de ma bouche. J'en avais assez dit. Cessons ces commentaires inutiles. D'un seul coup, je me sentais énervée. Contre moi-même. Je me surpris alors à torturer ces pauvres feuilles, de nouveau. Il faut vraiment que je cesse cette horrible manie ! Comment puis-je espérer contrôler mon pouvoir si je n'arrive même pas à maîtriser mes propres émotions ?!

I feel everything you feel. And it hurts.

Charlie me confie qu'elle aussi a beaucoup de mal à contrôler son pouvoir, et étrangement, cela me rassure. Je sais, c'est mal de penser ainsi. Mais c'est ce que j'ai ressenti à ce moment-là. Du soulagement. Je me disais que je n'étais pas la seule à galérer comme une malade avec ce pouvoir qui me donnait des vertiges. Ici, c'est l'avantage. Je ne suis plus réellement seule - théoriquement - face à ce problème. Et c'est ce qu'elle ressentait également, je le savais.

Je soupire légèrement avant de lui répondre :
« Je pense qu'ici, la grande majorité des élèves est dans le même cas. On a tous un pouvoir qu'on ne parvient pas à contrôler, et c'est pourquoi cette école a été créée. C'est tout de même une chance d'être ici... »

Très sincèrement, je ne pensais jamais prononcer ces paroles. Déjà d'une, je ne pensais pas me confier ainsi à quelqu'un. Et de deux, j'étais assez sceptique quand je suis entrée dans cette école. Je ne croyais qu'à moitié que quelque chose était encore possible pour moi. Mais peu à peu, en constatant que nous étions tous dans le même pétrin, cela avait un effet rassurant.